L’enfance

Emmanuel Jonquière est né en 1930 à Arras.
Issu d’une famille nombreuse de tradition catholique, le père est ingénieur des travaux publics, recruté comme officier dans le génie militaire pendant la première guerre mondiale, officier de la légion d’honneur, la mère est fille de brasseurs d’origine wallonne installés dans l’Aisne.

Le couple se rencontre sur le front de la Somme alors qu’Anne- Marie, infirmière volontaire soigne Antoine, soldat gazé et blessé au poumon.

Enfance errante sous l’Occupation

Pendant la seconde guerre mondiale,  la fratrie suit le père lors de ses déplacements militaires du nord au sud de la France, dans des conditions souvent difficiles et chaotiques. Emmanuel est pensionnaire au séminaire de Carcassonne, il poursuit ensuite une scolarité classique chez les frères Jésuites à Lille, où la famille a été déplacée.
La période des ruptures dans sa scolarité, des restrictions et des privations liées à l’occupation allemande marquent durablement le jeune collégien.
A la libération, la famille quitte Lille pour Le Touquet, Emmanuel termine ses études secondaires à Amiens.
Doué pour le dessin dès le plus jeune âge, la famille décide de l’envoyer poursuivre des études artistiques à Paris.

Études supérieures à Paris

Après une année de prépa à l’Académie Charpentier à Paris, il réussit le concours d’admission à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, et obtient le diplôme de l’E.N.S.A.D. promotion Peignot, spécialisation Architecture intérieure et Art mural en 1954.

L’ambiance à l’école est à la fois travailleuse et joyeuse, entre « charrettes », fêtes, bizutages et voyages, des amitiés fécondes se nouent.

Le cercle d’amis s’élargit encore à la Cité Universitaire où il obtient une chambre d’étudiant à la Fondation Deutsch de la Meurthe.

Fidèle en amitié, Emmanuel a su garder la plupart de ses amis toute sa vie : peintres, architectes, décorateurs, photographes, sociologues vont le soutenir et l’accompagner tout au long de sa vie.

Stages marquants

Avec un solide bagage artistique, Emmanuel n’a pas de difficultés à effectuer des stages chez des grands architectes, comme à l’agence de Jacques Le Même à Megève et surtout aux ateliers Jean Prouvé à Nancy. Il y découvre de nouveaux concepts de fabrication d’éléments architecturaux industrialisés et de matériaux novateurs de mobilier standardisé préconisés alors par Prouvé.

Il obtient une bourse d’Etudes du gouvernement néerlandais et fait un apprentissage de plusieurs mois à l’atelier du peintre post- impressionniste Henri Frédéric Boot à Haarlem. Il y rencontre sa première épouse, une jeune apprentie dessinatrice qu’il ramènera en France.

Les Pays-Bas sont pour lui une révélation esthétique et une prise de conscience de la qualité architecturale, urbaine et environnementale. Il y découvre des musées exceptionnels, la peinture flamande de Rembrandt, Vermeer, Hals et Van Gogh et des courants artistiques d’avant-garde. La qualité de vie de la société hollandaise protestante et austère, lui donneront le goût du dépouillement, de la rigueur et de la simplicité.

Années 60 : l’activité professionnelle

Après avoir accompli un long service militaire, Emmanuel se lance activement dans la vie professionnelle et enchaîne sans mal des contrats dans différentes entreprises.
C’est le début des « 30 glorieuses » et grâce aux nombreux projets de reconstruction urbaine et architecturale, de décoration intérieure et l’émergence du design,  il trouve aisément du travail dans le domaine des arts appliqués.

Une période de forte activité professionnelle s’ensuit : agencements intérieurs de boutiques et de galeries d’art, conception de mobiliers, de vitraux ou encore de pièces d’arts de la table,  créations de polychromies, sous la direction de personnalités aussi illustres que Charlotte Perriand,  Jean Prouvé, Costa, ou encore du trio Joseph Belmont, J.-M. Périllier et Maurice Silvy.

L’enseignement aux Beaux-Arts de Boulogne/mer

Ecole Municipale des Beaux- Arts de Boulogne/mer

En 1965 il est nommé sur concours professeur de décoration plane et d’arts graphiques à l’Ecole Municipale des Beaux- Arts de Boulogne/mer, installée dans des locaux préfabriqués signés Jean Prouvé.
Son enseignement s’inspire librement des théories du Bauhaus dont il est influencé, tant dans la forme des exercices qui reprennent les principes de base  graphiques et chromatiques, que dans le concept général : unir tous les arts appliqués, briser la dichotomie entre la théorie et la pratique, entre l’art et la technique, rapprocher l’école de la fabrication industrielle en créant des objets fonctionnels accessibles à tous. Les élèves seront sollicités à participer aux concours et à faire fabriquer leurs créations par des entreprises et des usines locales.

L’enseignement aux Beaux-Arts de Paris

Ecole Nationale Supérieure des Beaux- Arts de Paris

En 1975 il est recruté en qualité de Plasticien Chef de Travaux Pratiques à l’Unité Pédagogique d’Architecture N°1, au sein de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts à Paris.

Malgré de nouveaux concepts anticonformistes hérités de mai 68 et les doctrines libertaires qui se diffusent dans l’enseignement artistique de l’époque, il reste fidèle à la  pratique d’un enseignement fondamental, rigoureux, précis et exigent, d’autant plus qu’il s’adresse à des futurs architectes.

Le temps de la paternité

Toujours aussi investi dans sa mission pédagogique qu’il transmet avec conviction et charisme à ses étudiants, il en est très apprécié et certains deviendront plus tard de véritables amis.

La rencontre avec une jeune étudiante qui deviendra sa deuxième épouse, fille d’Arika Madeyska, une artiste-peintre d’origine polonaise, lui permettra de fonder tardivement une famille.

Pour découvrir Arika Madeyska : www.madeyska.com.

Un enseignant charismatique

Entreprenant, dynamique et convaincu par ses engagements, son enseignement novateur pour l’époque crée des conflits avec certains de ses collègues qui comprennent mal sa démarche pédagogique.

Il conserve l’idée que l’art a pour mission d’instruire la population, il décide de sensibiliser les élites locales à l’esthétique sociale, à la sauvegarde des sites et du patrimoine, aux décisions sur les nouvelles architectures.

Pédagogue charismatique et apprécié, proche de ses élèves issus de familles souvent modestes, certains lui louent une véritable vénération l’appelant fréquemment leur « père spirituel ».

Il en fait participer quelques-uns à la réalisation de nombreux chantiers des 1% qu’il va entreprendre parallèlement. Il entretiendra des liens  forts avec ses anciens élèves tout au long de sa vie. Il enseignera à l’ENSBA jusqu’en 1995, année de son départ à la retraite. 

Sa maison de Domont

La période de MAI 68 n’aura que peu d’influence sur sa carrière ou ses convictions mais plutôt sur sa vie privée : c’est l’année où il construit sa maison non conventionnelle adossée à la forêt de Montmorency. Sensible à l’esthétique et à la qualité architecturale, il combat la médiocrité urbaine et bannit l’invasion des lotissements des « pavillons de banlieue » qui défigurent le paysage péri urbain. Préoccupé par l’écologie, sa maison dont il a conçu lui-même les plans, est respectueuse de l’environnement naturel, construite entièrement en bois selon un principe constructif précis. 
Son atelier fait partie intégrante de l’ensemble, il s’y réfugie fréquemment pour concevoir ses projets ou peindre. La forêt toute proche est pour lui une source d’inspiration quotidienne. 

Une retraite consacrée à la peinture de chevalet

Dès 1995, il passe une retraite paisible en se consacrant presque exclusivement à la peinture de chevalet dans son atelier ou de plein- air lors de ses voyages.

En 2014, une exposition rétrospective lui est consacrée avec la sculptrice Liliane Caumont, au Manoir des Tourelles au pied du château d’Ecouen.